En Afrique du Sud et dans son pays voisin, le Botswana, les braconniers profitent des mesures de confinement pour tuer davantage de rhinocéros, rapporte The New York Times.
Le braconnage est un fléau bien connu en Afrique: ces dix dernières années, plus de 9.000 rhinocéros y ont été exterminés. Pire, depuis le début des mesures de confinement, on assiste, notamment en Afrique du Sud et au Botswana, à une recrudescence des cas de braconnage. “Le jour où l’Afrique du Sud a commencé son ‘lockdown’ (le 23 mars dernier, NDLR) nous avons eu une incursion de braconniers presque quotidiennement”, témoigne Nico Jacobs, fondateur de “Rhino 911″, une association qui assure le transport d’urgence de rhinocéros blessés par hélicoptère. En deux semaines, neuf spécimens ont ainsi été illégalement abattus, rien que dans la province sud-africaine du Nord-Ouest.
Fait nouveau: les braconniers attaquent désormais dans des lieux habituellement fréquentés par des touristes. Des secteurs qui jusqu’à présent étaient considérés comme des refuges relativement sûrs pour la faune. Mais la fermeture des frontières, le confinement des populations, les quarantaines et les restrictions des visas accordés aux voyageurs a changé la donne. “Ces animaux ne sont pas seulement protégés par les gardes-forestiers, ils sont aussi protégés par la présence des touristes”, explique Tim Davenport, qui dirige les programmes de conservation des espèces pour l’Afrique à la “Wildlife Conservation Society”. “Si vous êtes un braconnier, vous n’irez pas dans un endroit où il y a beaucoup de touristes, vous irez dans un endroit où il y en a très peu.”
Dans le delta de l’Okavango au Botswana et le parc national Kruger en Afrique du Sud – où lions, léopards, rhinocéros, éléphants et buffles du Cap sont très présents -, les touristes, les chasseurs et les guides qu’ils engagent pour mener leurs expéditions ont en effet une présence bien plus importante que les forces de l’ordre. Sans eux, la tâche de surveiller des millions d’hectares de nature sauvage repose uniquement sur les épaules de quelques milliers de rangers. “Sans les guides, les rangers sont comme amputés”, compare Anthony Ntalamo, propriétaire d’une société de safaris basée au Botswana, qui attendait plus de 150 clients dans les mois à venir.
La préservation de la faune dépend du tourisme: “Nous sommes vraiment en crise ici”
L’industrie touristique africaine, qui pèse quelque 39 milliards de dollars, vit évidemment très mal les mesures restrictives liées à la lutte contre la pandémie. Or, l’Afrique du Sud, le Botswana, la Tanzanie, le Kenya et d’autres pays africains comptent sur le secteur pour financer la préservation de la faune et de la flore. Sans ces revenus, de nombreux parcs et réserves privées ne peuvent payer leurs employés. “Nous sommes dans une situation de ‘revenu zéro’ et nos dépenses augmentent sans cesse, juste pour essayer de combattre les braconniers et de protéger la réserve”, déplore Lynne MacTavish, responsable des opérations à la réserve de Mankwe, dans la province du Nord-Ouest en Afrique du Sud. “Nous sommes vraiment en crise ici”.
Pour éviter les licenciements, Mme MacTavish a cessé de percevoir un salaire et a réduit de 30 % celui de ses collègues. Mais cela ne permettra de maintenir la réserve à flot que pendant trois ou quatre mois encore. Si la situation ne s’améliore pas, elle pourrait être contrainte de prendre des décisions difficiles. Lynne MacTavish s’attend également à voir davantage de braconnage dans les mois à venir. “Nous avons eu quelques incursions récemment, mais je m’attends à un véritable assaut si ce blocage se prolonge pendant des mois.”
Map Ives, directrice de ‘Rhino Conservation Botswana’, partage ses craintes. “Nous pouvons nous attendre non seulement au braconnage des rhinocéros, des éléphants et d’autres animaux emblématiques, mais aussi à une recrudescence du braconnage de la viande de brousse à travers le continent”, dit-il. “Il y aura beaucoup de gens qui ne gagneront pas leur vie et qui se tourneront vers la nature et vous ne pouvez pas les blâmer. Ce sont des gens qui ont faim”.
Si l’impact du coronavirus sur la faune africaine reste bien sûr à déterminer, ces récents événements illustrent les risques d’une trop grande dépendance de cette dernière à l’égard du tourisme. Catherine Semcer, chercheuse au ‘Property and Environment Research Center’ en Caroline du Nord, recommande dès lors de diversifier les sources de revenus pour la sauvegarde des animaux d’Afrique. Dans l’espoir de remédier à cette situation, la Nature Conservancy, une organisation environnementale américaine, a récemment commencé à collecter des fonds pour les parcs et les réserves privées à court d’argent.
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